EN MAI 1940 le personnel de l’hôpital de Saint Venant fut héroïque
En mai 1940, alors que tant de responsables fuyaient, d’autres restaient à leur poste. En l’absence de consignes, ils n’écoutèrent que leur devoir. Ce devoir fut parfois héroïque. Certains ont vu leur brillante conduite récompensée. Des dossiers sont encore en instance. Sans vouloir préjuger des décisions qui seront prises, nous voulons souligner la belle attitude de tout le personnel de l’hôpital psychiatrique de Saint Venant. Cet établissement hospitalier se trouvait dans une situation périlleuse. Situé en pleine campagne, pris entre deux lignes de feu, il fut le théâtre d’une lutte sanglante du 24 au 27 mai.
Dans les caves se pressaient deux mille malades. A l’hôpital étaient accourus des enfants de l'orphelinat de Saint Venant, des malades de l’hospice d’Orchies et des réfugiés sans abri. Ces deux mille malades étaient de pauvres femmes en traitement, dont la raison avait chaviré, et qui, prostrées ou les nerfs tendus, réagissaient différemment sous les obus. Elles étaient dans un état qu’il est aisé d’imaginer, bien qu’il défie toute description. Les soixante-quatre sœurs et les quelques hommes restés à l’hôpital se dévouèrent sans compter, créant une contagion du courage qui succéda à celle de la peur.
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Le directeur, tout d’abord. M. Léon MINART, avait gardé la tête froide. Comme il ne pouvait être question d’évacuer, il conserva bien en main, sous la mitraille, la direction énergique de l’établissement dont il avait la charge. Il risqua plusieurs fois les balles des mitrailleuses, au passage des ponts, pour aller avertir les postes de commandement de la situation on critique de l’hôpital, qui, pris entre deux feux, était menacé d’une destruction complète. En plein bombardement, il visita les divers bâtiments, enrayant là panique. Il assura le ravitaillement de l’hospice distant d’un kilomètre, quand manquèrent le pain et l’eau. Il est vrai qu’il fut secondé par un personnel qui déjà, dans le temps de paix, fait de l’héroïsme son pain quotidien. Les Sœurs se multiplièrent auprès de leurs chères malades, les pansant, les réconfortant, calmant leur épouvante quand la mort frappa quarante-deux d’entre elles. Une Sœur, Mme Nelly CLAUS, en religion Sœur Sainte-Madeleine de Béthanie, tomba victime de son dévouement, ainsi que l’aumônier, M. l’abbé Louis BECQUE, qui rendit le dernier soupir sur la table de l’autel, tandis qu’il célébrait la messe dans un boyau mal protégé, devant les malades qui se trouvaient préservées par la voûte de l’abri. La calme fermeté de la Sœur Supérieure, Mme Clotilde BECUE, en religion Sœur Ste-Emérance de l’Enfant-Jésus, galvanisait tout le personnel. Née le 20 janvier 1878 à Hazebrouck, elle était entrée en 1902 à l’hôpital. Nommée Supérieure en 1919. elle y avait acquis un ascendant remarquable. Sa maîtrise d’elle-même rendit leur sang-froid à toutes les Sœurs de la communauté. On remarqua également le courage de Mme Marie-Louise SANTY, en religion Sœur Sainte-Marthe, et de Mme Melvina BUTTIN, en religion Sœur Sainte-Euphérnie, qui s’était trouvée à Charléroi à l’autre guerre : ses mains ne tremblaient pas en déroulant les bandes de charpie. Quant à Mme Victoria DELORY. en religion Sœur Sainte-Justine, elle montra qu’elle est Roubaisienne ! Agée de 7l ans, elle refusa de quitter sa cuisine où elle fait bouillir la marmite denuis 41 ans. Avec un mépris magnifique du danger, s’éclairant à la bougie faute d’électricité, elle continua à préparer des soupes chaudes qu’elle portait elle-même aux malades, dans les caves, où des mains apeurées se passaient les assiettes. De tels actes de courage, bien qu’ils veuillent rester ignorés, doivent être connus.